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Annexe 01

Interpellation au conseil communal d’Ottignies-Louvain-La-Neuve.

Accident nucléaire et plan d’urgence.

Objet :

Sécurité des habitants de la commune en cas d’accident nucléaire grave ou majeur (INES 6 ou 7)

Application à la commune de l’« Arrêté royal portant fixation du plan d’urgence nucléaire et radiologique pour le territoire belge » du 1er mars 2018, abrogeant celui du 17 octobre 2003.

Préambule :

Avant toute chose, je tiens à vous féliciter pour deux actions positives déjà menées par la Commune :

- elle a pris une position forte et remarquable par rapport à la filière nucléaire en choisissant de couvrir ses consommations électriques propres via un fournisseur d’électricité verte (bien coté dans le classement de Greenpeace Belgique) et en proposant un achat groupé auprès de ce fournisseur aux habitants.

- elle a mis en place une véritable vigilance pour le bien-être de ses habitants (efficacité du plan d’urgence communal, surveillance des antennes GSM,…).

De plus, comme notre majorité politique est très proche de la majorité de Liège qui a voté la motion « Non au nucléaire », j’ai bon espoir que cette interpellation se concrétise et que notre commune rejoigne la ville de Liège et la commune de Dison dans le mouvement des communes qui disent non au nucléaire.

Le risque nucléaire en Belgique

Nous considérons que notre sécurité est dangereusement compromise du fait de la présence sur le territoire belge et à ses frontières de nombreux réacteurs nucléaires (7 en Belgique et 13 en France et en Hollande) : c’est tellement vrai qu’aucune compagnie d’assurance n’a jamais voulu assurer le risque encouru et que les opérateurs ne se sont lancés dans l’exploitation de l’énergie atomique que parce que la Convention de Paris de 1960 a réduit leur responsabilité civile, en cas de catastrophe, à une intervention financière pour dédommagements qui se limiterait à presque rien1.

La vétusté des réacteurs

Ces réacteurs sont vétustes, ayant tous dépassés les 30 ans, voire les 40 ans de fonctionnement, ce qui augmente la probabilité d’un accident majeur, comme à Tchernobyl et à Fukushima2. C’est le cas des réacteurs Tihange 1, Doel 1 et 2 qui ont plus de 40 ans, ainsi que de Tihange 2 et Doel 3 dont les cuves sont fragilisées par la présence de milliers de fissures, respectivement 3.149 et 13.047 fissures.

Malgré la loi de sortie du nucléaire de 2003 et les arrêtés la modifiant qui prévoient l’arrêt des sept réacteurs atomiques belges entre 2023 et 2025, le lobby du nucléaire, soutenu par la NVA, agit pour une nouvelle prolongation des deux réacteurs les moins vétustes, Tihange 3 et Doel 4, qui atteindront leur limite d’âge de 40 ans en 2025.

De nombreuses pannes, avaries et arrêts non planifiés de tous les réacteurs se sont produits ces dernières années, ce qui montre bien que plus un réacteur vieillit, plus il est soumis à des pannes et plus il est dangereux. Par exemple, le réacteur de Tihange 1 a été à l’arrêt pendant 23 jours en 2016, et 213 jours en 2017. En 2015, 3 réacteurs ont été à l’arrêt quasiment toute l’année.

L’attaque terroriste

Les réacteurs nucléaires belges constituent des cibles de choix pour une attaque terroriste. En effet, la Belgique est le pays au monde où la densité de la population à proximité des réacteurs est la plus grande : 840 000 personnes à dans un rayon de 30 km autour de Tihange, 1,5 million à Doel, contre 172 000 pour Fukushima3. De plus, les centrales nucléaires sont très vulnérables à une attaque. Pour plus d’informations sur ce sujet, nous vous renvoyons à l’incontournable documentaire de Laure Nouhalhat : « Sécurité nucléaire : le grand mensonge », diffusé au Parlement Européen par l’eurodéputée Michèle Rivasi en novembre dernier ainsi que sur Arte. Il est à noter que, selon des sources fiables, le sabotage survenu à Doel 4 est suspecté d’avoir été commandité par Al Qaïda.

Le séisme

Dans un passé géologique récent, notre région a connu des tremblements de terre de niveau supérieur à 6,5 sur l’échelle de Richter. Ce niveau est bien au-dessus du niveau pris en compte pour la conception des centrales (moins de 6,0 sur l’échelle de Richter).5 La Belgique n’est donc pas à l’abri de séismes d’une puissance telle que les réacteurs n’y résisteraient pas. Ce risque se doit d’être également pris en considération.

La fin du pétrole bon marché et son impact sur la filière nucléaire

Enfin, last but not least, comme Myriam Ghilain vous l’a fait savoir dans son interpellation fin 2016, nous nous dirigeons vers un épuisement des ressources et vers la fin du pétrole bon marché. Dès lors, on peut se demander ce qu’il adviendra de nos centrales nucléaires dans un avenir dans lequel l’effondrement de notre société d’abondance, basée sur la croissance économique, devient une certitude.

Comme nous alerte Pablo Servigne dans son excellent article sur la question :« une perturbation brutale et rapide de nos sociétés pourrait non seulement mettre à mal les projets de démantèlement (qui financerait? qui s’en chargerait?), mais compromettre même l’arrêt d’urgence des réacteurs! En effet, rappelons qu’une centrale nucléaire est la seule installation énergétique à ne pas pouvoir être arrêtée, voire abandonnée, du jour au lendemain. Il faut des mois de travail, d’énergie et de manutention pour refroidir les réacteurs. Or, s’il y a effondrement économique, comment maintenir les techniciens et ingénieurs à leurs postes ? S’il y a une rupture d’approvisionnement en énergie, et en particulier en pétrole, les procédures d’arrêts seront-elles toutes opérationnelles ? »6Il écrit aussi, ailleurs : « Des pannes d’électricité trop longues, couplées à des ruptures d’approvisionnement en pétrole, pourraient gêner les procédures d’arrêt d’urgence.7 »

Lors d’une récente interview à ce sujet, Rob Hopkins lui-même (mondialement connu pour être l’initiateur du mouvement de la transition), nous déclare : « Je pense qu’il y a un réel danger dans le fait de mettre en place une telle infrastructure en supposant que nous aurons toujours accès aux énergies fossiles bon marché. C’est une hypothèse très dangereuse. Mais c’est une hypothèse stupide, car ce qui va se passer, c’est que nous allons basculer dans une époque où il y aura de moins en moins d’énergie et de ressources. Continuer à construire, ou maintenir, des centrales nucléaires dans un tel contexte est d’une stupidité monumentale. L’effort pour développer une économie non-nucléaire et renouvelable est donc essentiel.8«

Le risque climatique :

Le réchauffement climatique est un fait corroboré par des milliers de scientifiques. Ce réchauffement va entraîner, entraîne déjà, des phénomènes climatiques extrêmes comme des inondations ou des périodes de sécheresse qui peuvent avoir un impact pour les systèmes de distribution d’eau et par conséquent sur les systèmes des refroidissement des réacteurs et des bassins de refroidissement du combustible usagé.

Compte tenu de tous ces éléments, il nous paraît légitime de poser quelques questions relatives à la sécurité en cas d’accident majeur.

Interpellation

Cette interpellation porte sur le plan d’urgence nucléaire et radiologique pour le territoire belge (arrêté royal du 17 octobre 2003) et les mesures mises en place par la commune dans ce cadre en cas d’accident nucléaire grave (INES-6) ou majeur (INES-7), comme ceux de Tchernobyl et Fukushima, survenant à la centrale de Tihange ou de Doel.

Nous savons comment l’arrêté du 1er mars 2018 définit ce plan et précise les différents niveaux de pouvoir impliqués, qui sont répartis entre le fédéral, les provinces et les communes. Mais cette loi de 2018 ne répond à aucune de nos questions de citoyen.

Voici un extrait de la réponse du service de la planification d’urgence de la province de Liège9 contacté à ce sujet :

« Vous n’êtes pas sans savoir que même si une crise nucléaire est gérée au niveau fédéral, un des acteurs clé reste le bourgmestre. Le gouverneur n’étant qu’un intermédiaire-coordinateur entre le niveau fédéral et le niveau communal. Vous comprendrez aisément qu’il est impossible pour le gouverneur et ses services de répondre à toutes les sollicitations que le contexte actuel concernant le nucléaire suscite. Je ne puis dès lors que vous conseiller de vous adresser directement à votre bourgmestre ».

C’est pourquoi, je m’adresse directement à vous, Monsieur le Bourgmestre, en mon nom et au nom de l’asbl Fin du nucléaire et de nombre de citoyens de LLN.

Il y a sept niveaux sur l’échelle internationale des événements nucléaires (échelle INES). Mais le plan d’urgence fédéral ne prend en compte que les cinq premiers niveaux. C’est-à-dire que le plan d’urgence s’arrête au niveau INES-5. INES-5, c’est un accident « entrainant un risque hors du site de la centrale » avec un rejet radioactif limité pour lequel le plan prévoit tout au plus une évacuation dans un rayon de 10 km autour de la centrale. Il nous paraît important de parler des accidents nucléaires grave et majeur, ceux de niveau 6 et 7 sur l’échelle INES, lesquelles entraîneraient des conséquences se manifestant bien au-delà des 10 km de la centrale.

Si on envisage un accident de niveau 6 ou 7 sur l’échelle INES, il faut tenir compte de la triste expérience des catastrophes de Fukushima et Tchernobyl. À Fukushima, la zone d’exclusion a été portée à 20 km et à Tchernobyl à 30 km. Mais dans les 2 cas, des villages situés à plus de 50 km ont également dû être évacués. La ville de Fukushima (300.000 habitants), située à 62 km à vol d’oiseau de la centrale accidentée, n’a pas été évacuée « simplement » parce les autorités ont préféré relever le seuil d’irradiation considéré comme admissible et à partir duquel il fallait évacuer (d’un facteur 20, de 1 à 20 millisieverts/an). Notre commune est à 46 km à vol d’oiseau à l’est-est-sud-est de Tihange. Nous sommes clairement à une distance à laquelle le danger potentiel est réel, au vu de l’expérience de Fukushima et de Tchernobyl. 3,7 % des vents dans notre commune proviennent de la direction de la centrale (ce qui représente un peu plus d’un jour par mois). La vitesse moyenne de ces vents est de 3,3 m/s (11,88 km/h)10. Ce qui signifie qu’en cas d’accident majeur dans cette centrale et si les vents portent dans la « bonne » direction, le nuage radioactif est sur la commune en moins de 4 heures. Les émissions de radioactivité pouvant durer plusieurs jours lors d’un accident ( 10 jours pour Tchernobyl), cela rend le danger pour notre commune tout à fait réel.

Les questions

1) Les cas de figure

En cas d’accident nucléaire majeur, il y a trois cas de figure possibles :

Un confinement momentané de la population (de quelques heures à un jour, guère plus).

Une évacuation immédiate de la population.

Une évacuation de la population après une période de confinement.

Rappelons qu’au moment de l’accident de Tchernobyl, il n’y a pas eu d’accord sur les mesures à prendre en Belgique suite à la contamination du territoire, les responsables politiques n’ayant pas communiqué de manière claire et cohérente. Les leçons de Tchernobyl n’ont manifestement pas été tirées, malgré les travaux et les recommandations de la commission du sénat mise en place suite à cet accident (1991) ; cela a aussi été le cas à Fukushima où les décisions post-accidentelles ont été tardives, confuses et contradictoires. Tout laisse à penser qu’il en va de même pour les enseignements qui auraient dû être tirés de la catastrophe de Fukushima.

Selon quels critères, à quel moment et qui décide du cas de figure à appliquer ? À partir de quel taux de radiation (en microsievert par heure) la commune décide-t-elle d’évacuer la population ?

Comment se coordonnent les différents niveaux de pouvoirs et qui donne la bonne information, c’est-à-dire celle qui doit faire autorité pour la population ?

À partir de quel moment la commune prend-elle le relais ?

Quel sont les moyens de communication de la commune vis-à-vis de la population ?

Quels sont ces moyens de communication si l’accident survient pendant la nuit ?

Comment se coordonne la coopération transfrontalière ?

La ville de Maastricht a convoqué une réunion avec la direction de Tihange afin de réglementer le protocole de mise en alerte en cas d’accident. Notre commune a-t-elle fait la même chose ?

Si oui, quel est ce protocole ?

2) En cas de confinement

Si l’accident survient pendant la journée, les enfants doivent alors être momentanément confinés à l’école. Comment empêcher les parents d’aller rechercher leurs enfants à l’école ?

En cas de confinement, comment allez-vous empêcher les gens de sortir de chez eux et de s’en aller ?

Des exercices d’alerte et de confinement ont-ils été réalisés avec toutes les parties-prenantes ?

Si oui, quand cela a-t-il eu lieu la dernière fois ?

Si non, quand comptez-vous le faire ?

La population a-t-elle été informée de la manière de se préparer à un confinement : ­– le choix de la pièce de confinement, – les moyens de communication requis, – le nécessaire de base à prévoir, comme une réserve d’eau et de nourriture, – ce qu’il faut faire des animaux de compagnie, – ce qu’il faut faire des personnes et de leurs vêtements qui auraient été contaminés avant le confinement, – etc. ?

3) Prise d’iode stable (« pilule d’iode »)

Pour limiter les effets de la contamination interne par l’iode radioactif, un des éléments radioactifs libérés lors d’un accident majeur et qui se concentre dans la thyroïde11, l’idéal serait d’administrer à toute personne, sauf contre-indication, une dose d’iode stable six (deux) heures12 avant l’arrivée du nuage radioactif afin de saturer la thyroïde et de limiter le plus possible la fixation d’iode radioactif dans cette glande.

Il est donc recommandé, dans notre cas, de prendre les pilules d’iode quatre heures avant même que l’accident n’ait eu lieu dans l’idéal et au minimum deux heures avant l’exposition au nuage radioactif. Donc cela ne nous laisse qu’un temps de réaction de deux heures après l’accident, supposant un vent moyen « bien » orienté. Dans la plupart des cas, ce délai minimal sera hors d’atteinte. Cependant, même hors délai, il n’est pas inutile de prendre cette pilule d’iode. C’est même indispensable pour les enfants et les femmes enceintes, plus sensibles aux radiations ionisantes.

Si l’accident a lieu pendant la journée, la plupart des enfants sont donc confinés à l’école. En cas de rejet radioactif, ils doivent donc prendre l’iode dans les deux heures.Il est matériellement impossible, en deux heures, de réaliser une distribution massive de comprimés d’iode. D’où ces questions.

Où sont stockées les pilules dans tous les établissements scolaires de la commune, mais aussi dans tous les lieux publics, dans les salles de sports, les terrains de foot, les crèches, les administrations, les entreprises, etc?

Au moment du rejet, il ne sera plus temps de se rendre à la pharmacie, a fortiori si l’accident a lieu la nuit. La commune a-t-elle vérifié que tout habitant dispose du nombre de pilules adéquat chez lui ?

Dans les lieux publics comme chez l’habitant, les réserves de pilules d’iode sont-elles suffisantes pour le cas où une prise multiple s’avérerait nécessaire ?

La population est-elle informée que tout le monde ne peut pas prendre des pilules d’iode et que tout citoyen devrait consulter un médecin compétent sur ce sujet ?

4) En cas d’évacuation

La gestion du terrible accident de la rue Léopold à Liège le 27 janvier 2010 a été instructive : l’évacuation a pris plusieurs heures, les pompiers devant aller frapper à chaque porte de chaque appartement pour expliquer aux gens qu’ils devaient évacuer sur le champ et n’emporter que le minimum avec eux. Dans ce cas, ça ne concernait qu’une seule rue. Comment fait-on pour toute une commune ?

Comment l’alerte est-elle donnée ?

Comment l’alerte est-elle donnée si l’accident survient la nuit ?

Comment se coordonne l’évacuation ? Qui l’organise ?

Qui est prioritaire ?

Qui détermine le lieu de destination (en Belgique, en Allemagne, aux Pays-Bas, en France ou au Grand-duché du Luxembourg) sachant que cela dépend des conditions météorologiques et de l’intensité et de la durée du rejet radioactif ?

Qui nous accueille ?

Y-a-t-il des accords interrégionaux pour gérer cette situation ?

La commune a-t-elle fait une estimation du nombre de personnes qui ne disposent pas d’un véhicule privé et pour lesquelles des autocars devront être prévus ?

De combien d’autocars la commune aura-t-elle besoin pour réaliser cette évacuation ?

Où se trouve cette flotte d’autocars ?

Quels sont les lieux de rassemblement prévus ? Comment se fera la prise en charge des personnes peu mobiles ou invalides ?

Que peuvent prendre les gens avec eux ? Qu’est-ce qu’ils ne peuvent pas emporter ?

Ont-ils été mis au courant de ce qu’ils pouvaient prendre ou ne pas prendre ?

La population a-t-elle été mise au courant qu’il pourrait ne pas y avoir de retour possible ou pas avant plusieurs semaines, mois ou années ?

5) Maintenir les services indispensables

Les Japonais sont connus pour être respectueux de la loi et des règlements. Pourtant, à Fukushima, beaucoup de cas de « désertion » ont été relevés, attribuables à la crainte de la radioactivité. Par exemple, dans la préfecture de Fukushima (2 millions d’habitants), 12 % des médecins hospitaliers manquaient à l’appel, un chiffre qui s’élève à 46 % pour les hôpitaux de la ville de Minamisōma (55.000 habitants, à 25 km au nord de la centrale).

Comment allez-vous garantir le maintien sur place des forces de l’ordre, des pompiers et du personnel des services de santé pour assurer un service adéquat jusqu’au moment où tout le monde aura été évacué ?

Ceux qui resteront savent-ils qu’ils courent le risque de mourir d’un cancer ou d’un autre problème de santé lié aux radiations ? L’information leur aura-t-elle été donnée ?

Légalement, aucun membre de ce personnel ne peut en fait être obligé à rester sur place dans un tel contexte : avez-vous fait l’inventaire des agents volontaires et prêts à sacrifier leur santé, voire leur vie en restant sur place ?

Comment les hôpitaux et les maisons de retraite vont-ils être évacués ?

Les services d’ordre et les pompiers de la commune sont-ils équipés de compteurs Geiger et autres appareils de mesure des radiations ? Si oui, de combien ? Tout le personnel est-il formé à son utilisation ?

6) L’intervention de nos pompiers sur le site de l’accident

Il a fallu 800.000 liquidateurs pour contenir les rejets du réacteur de Tchernobyl. Il n’y a pas 800.000 pompiers à Huy ! Nous ne disposons que de 17 000 pompiers pour l’ensemble de la Belgique. Même s’ils sont tous mobilisés, cela ne sera pas suffisant. Alors, comme à Tchernobyl et à Fukushima, on fera appel à des « volontaires ».

Avez déjà une réserve stratégique humaine de volontaires prêts à intervenir sur le site de l’accident nucléaire ?

Quels exercices d’intervention sur le site d’une catastrophe nucléaire nos pompiers et ces volontaires ont-ils effectués ces dernières années ?

Quand ont-ils fait leur dernier exercice ?

Combien de personnes y ont participé ?

Si ces exercices n’ont pas eu lieu, quand auront-ils lieu ?

L’équipement adéquat et suffisant en quantité est-il disponible ?

Si oui, où est stocké cet équipement et comment les volontaires y auront-ils accès ?

7) Après le feu

Les pompiers et les volontaires ne pourront rester au feu que très peu de temps. En effet, après une courte période d’exposition, ils auront pris la dose de radiation maximale admise pour tout membre du personnel d’intervention en vertu de l’arrêté royal de 2003 (250 millisieverts, une dose de radiation qui ne devra plus augmenter au cours du reste de leur vie13). Ensuite, ils devront être évacués loin de toute source de radiation artificielle, pour toujours.

Que vont devenir ces pompiers et ces volontaires qui auront subi l’exposition maximale ? Où allez-vous les évacuer, et qui va s’en occuper ?

Si ces pompiers et volontaires doivent être évacués au loin, comment allez-vous organiser le regroupement familial ?

Qui va remplacer ces pompiers et ces volontaires après leur évacuation ? Combien d’équipes de remplacement sont disponibles ? D’où viennent ces équipes de remplacement ?

Y-a-t-il des accords internationaux afin que des équipes étrangères viennent nous aider ?

Si oui, nos pompiers sont-ils susceptibles de devoir aller aider nos amis allemands, néerlandais ou français en cas d’accident nucléaire dans leur pays respectif ?

Si oui, sont-ils préparés à cela ?

8) Le collège communal

Monsieur le Bourgmestre, en cas d’ordre d’évacuation, vous engagez-vous, vous et les autres membres du collège, à rester sur place pour assurer le bon déroulement des opérations et gérer la situation au mieux ?

Dans toute autre situation intermédiaire, vous engagez-vous à rester sur place pour gérer la situation au mieux ? 9) Un accident de niveau majeur survient non pas à Tihange mais à Doel

Dans ce cas, plus d’un million, voire plusieurs millions de personnes devraient fuir Anvers et la région environnante. Dans un rayon de 30 km, il y a 1,5 millions d’habitants14. Imaginons qu’on en accueille 1/500 dans notre commune (c’est réaliste, il y a 589 communes en Belgique), c’est-à-dire 3000 personnes. Je n’imagine même pas une évacuation à plus grande échelle. À titre d’information, dans un rayon de 75 km, il y a 9 millions d’habitants15.

Quel nombre de réfugiés la commune serait-elle en mesure d’accueillir ?

Où installe-t-on ces personnes ?

Où seront stockés les objets contaminés apportés par les réfugiés (voitures, vêtements, etc.) ?

Quel service assurera le transport et le stockage de ces objets ? De quels équipements spécifiques dispose ce service ?

De combien de portiques de détection et de décontamination mobiles la commune dispose-t-elle ?

Les hôpitaux sont censés disposer d’unités de décontamination. La plupart n’en possèdent pas. Que comptez-vous faire pour pallier ce manquement ?

Le personnel médical et paramédical de la commune est-il formé pour faire face à une situation de catastrophe nucléaire ?

Dans la plupart des hôpitaux, même le personnel des services de médecine nucléaire ne dispose pas de la formation requise et ignore les procédures d’intervention à appliquer en cas d’accident atomique majeur. Que comptez-vous faire pour pallier ces manquements ?

Conclusion

Le propre de la prévention c’est «espérer que ça n’arrive pas, mais être prêt si ça arrive». Il est étonnant de voir qu’on a pris tant de mesures de prévention en cas d’incendie, partout, mais qu’en cas d’accident atomique, rien n’est prévu. En parler même, génère le malaise.

Pourquoi ?

Parce les conséquences d’un accident grave sont ingérables. C’est pourquoi, le plan fédéral ne va que jusqu’à INES-5, parce qu’au-delà de INES-5, personne n’est capable de gérer la situation dans un pays où 7 millions et demi de gens vivent à proximité des réacteurs. Alors de deux choses l’une :

Soit, il ne nous reste plus qu’à prier pour que le vent souffle d’un autre côté, vers les autres. Et tant pis pour ceux qui seront touchés.

Soit, nous pouvons travailler ensemble, comme à Liège et Dison en Belgique, Aix-la-Chapelle et Maastricht à l’étranger, pour que cette situation ne se produise jamais. Travailler ensemble pour faire de notre commune une commune qui dit NON au nucléaire.

Une commune qui dit non au nucléaire, c’est :

- une commune qui demande l’arrêt immédiat des réacteurs les plus dangereux c’est-à-dire les trois réacteurs les plus vétustes, Tihange 1, Doel 1 et 2 et les deux réacteurs fissurés, Tihange 2 et de Doel 3 et fait pression pour l’obtenir.

- une commune qui demande à très court terme, l’arrêt pur et simple du nucléaire en Belgique et fait pression pour l’obtenir.

- une commune qui joint ses efforts, y compris sur le plan juridique, à ceux des nombreuses municipalités inscrites dans un large mouvement transfrontalier qui réclame la fermeture des centrales nucléaires de Tihange et Doel.

- une commune qui fait le choix pour le développement de l’énergie 100% renouvelable comme alternative, le choix d’une transition énergétique dans la justice sociale avec des emplois verts garantis et un accès à l’énergie abordable par tous (ce en quoi notre commune a déjà une longueur d’avance).

- une commune qui charge le collège communal de transmettre toutes ses délibérations à ce sujet à la Ministre fédérale en charge de l’Energie, de l’environnement et du développement durable, à savoir Marie-Christine Marghem.

- une commune qui informe ses citoyens des risques des centrales nucléaires obsolètes existantes pour l’ensemble de la Wallonie, y compris pour sa propre commune.

Ce serait formidable.

J’attends avec impatience vos réactions, vos réponses et vos remarques. Je reste à votre disposition et j’espère vivement que nous pourrons travailler ensemble.

En annexe à cette interpellation vous pourrez trouver le texte complet de la motion qui a été votée à Liège en février 2018, ainsi que celui qui a été voté à Dison le 19 mars 2018. Vous trouverez aussi la charte proposée aux communes flamandes par « 11 maart beweging » traduite en français.

Je vous souhaite bonne réception et bonne lecture de ce courrier.

Thierry Bourgeois


Texte basé sur le modèle proposé par l’asbl Fin du Nucléaire (ici) revu et amélioré par Francis Leboutte, Ezio Gandin, Laetitia Harutunian et Thierry Bourgeois.

1 Une convention signée par les dirigeants de 16 pays européens dont la Belgique.

2 «Un accident nucléaire majeur ne peut être exclu nulle part», selon une déclaration de Pierre-Franck Chevet, président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN, France), au journal Le Monde du 22 avril 2016.

3 Rapport sur les insuffisances des plans d’urgence nucléaires belges de David Boilley et Mylène Josset, ACRO.eu.org

4 http://www.army-technology.com/projects/milan, en anglais.

5 L’Europe occidentale n’est pas à l’abri d’un grand tremblement de terre. Thierry Camelbeeck, Kris Vanneste et Pierre Alexandre. Observatoire Royal de Belgique, 1998. Voir aussi Les tremblements de terre dans les régions « stables » d’Europe. Thierry Camelbeeck et Kris Vanneste. l’Observatoire royal de Belgique, 2006.

6 Pablo Servigne, « Le nucléaire pour l’après-pétrole », Barricade, février 2014, p. 7 et 8

7 Pablo Servigne et Raphaël Stevens, « Comment tout peut s’effondrer », p. 197, Editions du Seuil, avril 2015

8 Interview accordée à ma compagne et moi-même (au journal Kairos) dans les locaux de la RTBF le vendredi 23 mars 2018.

9 Dans un courriel daté du 16 juin 2017 à 15 h 14

10 Informations issues du site de l’Institut Royal Météorologique.

11 L’iode radioactif se dépose aussi dans d’autres organes mais dans une moindre mesure : la prise d’iode ne protège pas ces autres organes de l’iode radioactif (de même, bien évidemment, qu’elle ne protège en rien des autres éléments radioactifs émis lors d’un accident majeur).

12 Document de la CIPR (Commission internationale de protection radiologique) : Application of the Commission’s Recommendations for the Protection of People in Emergency Exposure Situations. ICRP Publication 109. D’autres sources conseillent la prise deux heures avant l’arrivée du nuage radioactif.

13 À titre de comparaison, en temps normal, la dose annuelle pour la population est de 1 mSv (millisievert) et de 20 mSv pour les personnesprofessionnellement exposées, tout en ne pouvant dépasser les 100 mSv au cours de la vie (arrêté royal du 20 juillet 2001 à propos du danger des rayonnements ionisants). Pour mémoire, en matière de rayonnements ionisants, il n’y a pas de seuil d’innocuité en dessous duquel il n’y aurait pas de danger (toute dose de radiation est poison).

14 Rapport sur les insuffisances des plans d’urgence nucléaires belges de David Boilley et Mylène Josset, ACRO.eu.org

15 Ibid.

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